samedi 28 février 2009

UBU ROI...


Cet extrait est dédié à... qui vous voulez !

Père Ubu
Merdre !

Mère Ubu
Oh ! voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand voyou.

Père Ubu
Que ne vous assom’je, Mère Ubu !

Mère Ubu
Ce n’est pas moi, Père Ubu, c’est un autre qu’il faudrait assassiner.

Père Ubu
De par ma chandelle verte, je ne comprends pas.

Mère Ubu
Comment, Père Ubu, vous estes content de votre sort ?

Père Ubu
De par ma chandelle verte, merdre, madame, certes oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d’Aragon, que voulez-vous de mieux ?

Mère Ubu
Comment ! Après avoir été roi d’Aragon vous vous contentez de mener aux revues une cinquantaine d’estafiers armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur votre fiole la couronne de Pologne à celle d’Aragon ?

Père Ubu
Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.

Mère Ubu
Tu es si bête !

Père Ubu
De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas des légions d’enfants ?

Mère Ubu
Qui t’empêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ?

Père Ubu
Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous allez passer tout à l’heure par la casserole.

Mère Ubu
Eh ! pauvre malheureux, si je passais par la casserole, qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?

Père Ubu
Eh vraiment ! et puis après ? N’ai-je pas un cul comme les autres ?

Mère Ubu
A ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort souvent de l’andouille et rouler carrosse par les rues.

Père Ubu
Si j’étais roi, je me ferais construire une grande capeline comme celle que j’avais en Aragon et que ces gredins d’Espagnols m’ont impudemment volée.

Mère Ubu
Tu pourrais aussi te procurer un parapluie, et un grand caban qui te tomberait sur les talons.

Père Ubu
Ah ! je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre de bougre, si jamais je le rencontre au coin d’un bois, il passera un mauvais quart d’heure.

Mère Ubu
Ah ! bien, Père Ubu, te voilà devenu un véritable homme.

Père Ubu
Oh non ! moi, capitaine de dragons, massacrer le roi de Pologne ! plutôt mourir !

Mère Ubu, à part.
Oh ! merdre ! (Haut) Ainsi, tu vas rester gueux comme un rat, Père Ubu ?

Père Ubu
Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j’aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat.

Mère Ubu
Et la capeline ? et le parapluie ? et le grand caban ?

Mère Ubu
Eh bien, après, Mère Ubu ?
Il s’en va en claquant la porte.

Mère Ubu, seule.
Vrout, merdre, il a été dur à la détente, mais vrout, merdre, je crois pourtant l’avoir ébranlé. Grâce à Dieu et à moi-même, peut-être dans huit jours serai-je reine de Pologne.

Alfred Jarry UBU ROI Drame en cinq actes A.1 sc.1 1896
A Fontfroide, Bibliothèque Artistique et Littéraire 1996 (éd. du centenaire)
image UBU par A. Jarry lui-même

lundi 23 février 2009

Nancy Place Stanislas...

Voilà quelques jours...
Amphitrite avait... froid aux pieds !
image Fontaine d'Amphitrite Place Stanislas Nancy photo GL

vendredi 20 février 2009

GUADELOUPE...

Les incidents (le mot est faible) de Guadeloupe ont de quoi nous faire réfléchir.
Il n’est pas si loin, le temps du commerce triangulaire qui a fait de la France l’un des marchands d’esclaves du monde. Souvenons-nous de l’itinéraire des ces grands bateaux transporteurs de « charbon » ou de « bois d’ébène » qui, de nos ports de la côte Atlantique, partaient livrer à Dakar des tissus, des armes et de l’alcool puis, débordants d’esclaves, prenaient la route du grand large pour les Caraïbes, lieu des marchés, pour revenir à leur point de départ, chargés de sucre, tabac et café ! Certes, nous n’étions pas les seuls ! Les Anglais ont largement contribué eux aussi à exporter la marchandise humaine, et les États-Unis à la consommer ! Il en reste aujourd’hui de somptueux hôtels particuliers et monuments publics dans nos ports atlantiques, et d’importantes populations issues de ce commerce dans les pays d’Amérique. Toujours malmenées, toujours écartées de la vie publique et des décisions économiques qui, pourtant, les concernent d’abord, ces populations souffrent de pauvreté croissante et d’un constant manque de respect. Nés esclaves ou enfants et petits-enfants d’esclaves, nombreux sont celles et ceux qui, aujourd’hui encore, sont victimes d’une exploitation éhontée par des enfants et petits-enfants de maîtres. Sans compter le joug imposé à eux comme à tous les autres, de métropole ou d’ailleurs, par les nouveaux maîtres de l’économie dite moderne !
Les grandes manifestations de prétendue repentance, si elles donnent un instant bonne conscience à quelques-uns, ne changeront rien à la situation. Elles ne redonneront pas à ces Français de là-bas la dignité qui leur est toujours refusée par quelques héritiers d’une féodalité d’hier.



Bien sûr, il est urgent de redonner aux plus démunis la possibilité de vivre décemment et de profiter justement du fruit de leur travail, mais les aides financières ne seront pas suffisantes !
C’est d’une véritable mise en harmonie avec notre République que ces populations ont besoin, comme l’ensemble du peuple de France de Pointe-à-Pitre à Nouméa, en passant par Cayenne et… Maubeuge !
Cette République que nous avons encore à enraciner davantage dans nos pratiques quotidiennes, dont les valeurs vraies doivent nous assembler, à des années-lumière du postulat pervers de l’un de ses « pères fondateurs », le Tonkinois Jules Ferry, qui prétendait que « les races supérieures ont des droits sur les races inférieures »
(postulat qui nous encombre encore la tête aujourd’hui, et pervertit bien des responsables de notre temps, quels que soient leur champ d’action et la couleur de leur peau !)
Bien plus que du devoir de mémoire, c’est du devoir de strict respect de sa devise LIBERTÉ-ÉGALITÉ-FRATERNITÉ que notre pays a besoin en tous les points de son territoire et pour tous ses citoyens !
Merci, sœurs et frères de Guadeloupe de nous le rappeler !
Si vous réussissez à nous le faire comprendre et admettre, alors votre souffrance n’aura pas été vaine ! Et ce sang versé, et cette misère supportée auront été… les derniers !
Méditons et agissons !


Ville Nantes - Musée des Ducs de Bretagne

mardi 17 février 2009

PARADIS...


Que l’homme parle est œuvre naturelle ;
mais ainsi ou ainsi, nature ensuite
vous laisse faire selon qu’il vous agrée.
Avant que je descende à l’angoisse infernale,
I s’appelait sur terre le plus haut
bien d’où provient la joie qui m’enveloppe ;
puis il se nomma EL : il le fallut,
puisque l’us des mortels est comme feuille
dessus la branche, qui va quand l’autre vient.
Sur la montagne qui sort le plus de l’onde,
Je fus, menant vie pure et déshonnête,
De prime à l’heure qui suit la sixième heure,
lorsque le soleil change de quadrant.


Dante Alighieri La Divine comédie Paradis XXVI
Trad. Didier Garin éd. de la Différence 2003 p. 949
image chevreuils au crépuscule photo GL 13 02 09

samedi 14 février 2009

Feu de bois...


Oui, chères amies, chers amis !
La terre fait bien ce qu’elle veut, nous offre des symboles que déchiffraient pour nous Hugo et quelques autres inspirés, nous invite à la renaissance et, surtout, à l’humilité !
Au temps ou certains (Al Gore, Friedmann, et leurs complices dans le monde…) ont fait une fortune en polluant un maximum, puis une deuxième fortune en nous expliquant par films et livres que nous ne devons pas polluer et qu’ils sont les authentiques chevaliers blancs de l’écologie… au temps des politiques fanatiques du « tout croissance » (dans l’intérêt des seuls industriels sous prétexte d’emploi) favorisant l’accumulation des rejets et déchets, et, simultanément, par les mêmes politiques, de la culpabilisation constante et exclusive des consommateurs… se rappeler que « la planète est la maîtresse des lieux » devient l’urgente nécessité !
Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire, naturellement !
Respect, encore respect, toujours respect à Vous TERRE-MERE !
Merci, grand cerisier.
Méditons, si vous le voulez bien, en admirant les lueurs chaudes et dansantes du feu de bois.

image Feu de bois photo GL 2007

mardi 10 février 2009

Tempête !


Aujourd’hui : tempête ! Après le sud, le nord : il y en aura pour tout le monde. Au moins la nature, elle, sait manier le concept d’Égalité !
Le vent, un vent musclé, un vent maraud, un vent tournant, un vent fripon souffle, et plaque de grandes claques de pluie sur les tuiles, malmène et fait caqueter les volets, caresse les arbres à rebrousse-poil, si fort… qu’il a fait tomber mon cerisier ! Il portait beaucoup plus que mon âge, ce doyen de mon verger, avait rassasié des générations de ses petites cerises noires juteuses et sucrées, nourri moineaux et geais de ses fruits inaccessibles, ceux de bout de branche -qu’on dit toujours les plus beaux-, accueilli dans son ombre bien des jeux d’enfants et des lectures d’été… Le voilà au sol ! À tronçonner désormais !
L’hiver prochain, dans la cheminée, il jettera de grandes lumières dans la maison qu’il parfumera comme un encens de chez nous… sacré !
Salut, grand vent !
Salut, bel arbre !
La mort appelle la vie… souvenons-nous !


image Le grand cerisier mort photo GL 10 02 09

dimanche 8 février 2009

EROS 5


EROS 5

Je ne sais si le jour
où tu me trouveras
verra tendre en déclin le voile

Eros

Et si dans l’or vivant
des feuillages de mort tu seras
mon printemps

Je crois qu’en ce dédain de veilleur
les brumes de la ville
ô combien amoureuses
auront cessé de voir
et d’entendre
et de rire
et ne voudront d’enfantement
non plus d’amant

Tous les miracles de mains pures
aux yeux de femmes en sommeil
claqueront la chair
et partiront

Ils ne seront plus là

Et nous
Eros
aurons-nous bien compris
le souffle d’océan
ses larmes d’épousée
Eros

Les larmes d’océan

Poème en 5 chants extrait de mon recueil Sarments éd. Dieudonné 1972
image Coucher de soleil sur le Saintois photo GL 2008

samedi 7 février 2009

EROS 4


EROS 4

Peux-tu me dire EROS

Sous quel frémissement de midi
la douleur
hier encore d’un frimas l’épouse souveraine
a troqué ses accrocs contre un manteau de reine

Le blanc marque le fer où l’étoile étincelle
et tremble sous l’amant d’insipide frayeur
le prêt des heures molles
en couvaison sereine élargit la tiédeur
cherchant sous des regards
la hanche vernissée d’un pâle promeneur

Et le chaud verse en creux
sur la cendre
un éclat de sang pur
acerbe et curieux

Alors

Une éruption s’endort
Eros
et veut mourir
Eros
et veut mourir

poème en cinq chants extrait de mon recueil Sarments éd. Dieudonné 1972
image coucher de soleil sur le saintois photo GL 2008

vendredi 6 février 2009

EROS 3


EROS 3

Peux-tu me dire Eros

En quel désir honteux le soleil a rougi
pour culbuter la terre en ces chants de genèse
un air de pleur étrange
un relent de pardon
relance au front des monts le vert de l’espérance

La boule de sang chaud
roule au creux des maisons
la gente damoiselle écarquille son cœur
à l’heure du berger des rêves entrevus
et cherche sous l’appât des gerbes de douceur
du bourgeon corseté sourd un moelleux parfum
limpide et souriant

Amuseur essouflé d’un ressac trop liant

Eros

Jouer à s’exhumer
jouer à s’exhumer des cendres d’une vie
est-ce l’effort d’un cœur
Eros

Est-ce l’effort d’un cœur

Poème en 5 chants extrait de mon recueil Sarments éd. Dieudonné 1972
image coucher de soleil en Saintois photo GL 2008

mercredi 4 février 2009

EROS 2


EROS 2
Peux-tu me dire Eros

La neige se recouvre au front ridé d’un tronc
l’oiseau ébouriffé quémande
pour un grain
la flamme chante clair
la flamme chante haut
au mitan d’un cœur d’or en la grande maison
la flamme chante clair
la flamme rêve en vain
dans le cœur délabré d’une pauvre chaumière
le soupir de bois sec éclot le râle humain

Miséreuse ouvrière
la vie est en congé

Il cherche en elle un air d’existence vécue
imaginée pour rien
elle explore chez lui les soucis des jours morts

Eros
l’histoire a cru qu’ainsi se mouraient deux amours
et l’histoire avait tort

Et l’histoire avait tort
Poème en 5 chants extrait de mon recueil Sarments éd. Dieudonné 1972
image coucher de soleil sur le Saintois photo GL 2008

mardi 3 février 2009

EROS 1

EROS 1

Tu as connu le jour des amours de baptême
en rêves de dément
où la fleur des repos surgissait en poème
exhalait au pourtour des désirs anathèmes
des râles de marchands

L’école de tes hauts lieux d’amour a connu
ses valses de torrent inépuisable et pur
aux frêles noms d’amants
à cœur de choses sues
tu rêvas d’ajouter le rire de minuit
le miracle du chant à l’aire ciselée
merveilleuse plaintive
écartela les ors d’un besoin qui n’est plus
d’un besoin d’effeuillée

Tu gémis

Tu ris et tu gémis

Quel encens de bonheur
en quel amer soufflet s’est terni sur ton cœur
peux-tu nous dire encor la rose d’un sang frais
la vague frissonnante à l’échine tendue
la note révélée au clavier de nos jeux
l’élan mystérieux des offrandes charnelles
le réceptacle pur d’un lys à peine ouvert
la joie simple d’aimer
le bonheur de s’offrir et la joie de donner
poème en 5 chants extrait de mon recueil Sarments éd. Dieudonné 1972
image coucher de soleil sur le Saintois photo GL 2008

Victimes du communisme...

Certains ne vivraient que pour créer des zones d’affrontement !
Il semble bien que le groupe de députés UMP porteur du projet de loi « Journée de commémoration des victimes du communisme » soit de ceux-là. Manipuler officiellement l’Histoire, interdire l’accès à ses pages qui les gênent, ouvrir en grand celles qui servent leurs intérêts (électoraux, entre autres), réécrire les passages qui peuvent souffrir une interprétation mercenaire serait leur principal passe-temps. Après la révision de la présence de la France outre-mer et la relecture de nos activités commerciales d’esclavage, les voici préoccupés de régler son compte au communisme. Mais, au juste, qu’en connaissent-ils ? Ont-ils pris le temps de découvrir la philosophie de Marx, de lire par exemple et de méditer ce passage de son « Manifeste » publié en France en 1848 :
La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle hautement révolutionnaire.
Là où elle est arrivée au pouvoir, la bourgeoisie a détruit tous les rapports féodaux, patriarcaux, idylliques. Elle a impitoyablement déchiré la variété bariolée des liens féodaux qui unissaient l’homme à ses supérieurs naturels et n’a laissé subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que l’intérêt tout nu, le dur « paiement comptant ». Elle a noyé dans les eaux glacées du calcul égoïste les frissons sacrés de l’exaltation religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la mélancolie sentimentale des petits-bourgeois. Elle a dissous la dignité personnelle dans la valeur d’échange et substitué aux innombrables libertés reconnues par lettres patentes et chèrement acquises la seule liberté sans scrupule du commerce. En un mot, elle a substitué à l’exploitation que voilaient les illusions religieuses et politiques l’exploitation ouverte, cynique, directe et toute crue.
La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités tenues jusqu’ici comme vénérables et considérée avec une piété mêlée de crainte. Elle a transformé le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l’homme de science, en salariés à ses gages.*

Quel humaniste vrai ne saurait, par les temps qui courent, faire le même constat ?
Quel humain lucide et respectueux ne serait pas porté, après la lecture de ce texte, à se souvenir de Bhopal, ses huit mille morts en une nuit de 1984 (trente mille à ce jour) victimes de l’intérêt tout nu de la firme Union Carbide Corporation, des deux cent soixante-deux morts dans les puits de Marcinelle en 1956, des trente morts et trois mille blessés de la catastrophe AZF à Toulouse en 2001, de toutes et tous les autres ensevelis, happés, écrasés, déchiquetés, empoisonnés de ce monde du travail soucieux de ses profits plus que de la sécurité de ses ouvriers, des suicidés d’après licenciement, des harcelés et maltraités au quotidien par des petits chefs-grands tortionnaires serviteurs de ce libéralisme tellement vanté de nos jours, et de ce capitalisme dogmatique aux allures de nouvelle religion monothéiste ?
Plutôt que le réveil de la guerre froide, ces élus de notre république ne feraient-ils pas mieux de relire attentivement leurs classiques pour, une fois éclairés, promouvoir les vertus proclamées par la devise inscrite au fronton des palais nationaux comme des mairies de village « Liberté-Égalité-Fraternité » et, si possible, cesser de confondre communisme fondamental et soviétisme criminel !
La conscience de leur responsabilité de porteurs d’écharpe tricolore et de représentants du peuple devrait les inciter à travailler davantage à l’harmonie sociale qu’au conditionnement des masses tel que pratiqué par les régimes qu’ils prétendent dénoncer !
Mais qui manque de hauteur de vue peut finir par prendre son ombre propre pour… son pire ennemi !
Semble-t-il !


*K. Marx Manifetse du Parti communiste Monde de la philosophie-Flammarion p. 230-231
image couv. de Au Plaisir d'ENA G. Laporte éd. DGP Québec 2001 photo Ch. Voegelé